Enregistrer un médicament de thérapie génique

Les exigences réglementaires concernant le développement pharmaceutique d’un médicament de thérapie génique sont décrites dans la partie IV de l’Annexe I de la directive 2001/83/CE concernant les médicaments de thérapie innovante. La définition suivante y est inscrite :

« Par médicament de thérapie génique, on entend un médicament biologique qui a les caractéristiques suivantes :

  1. il contient une substance active qui contient ou constitue un acide nucléique recombinant administré à des personnes en vue de réguler, de réparer, de remplacer, d’ajouter ou de supprimer une séquence génétique
  2. son effet thérapeutique, prophylactique, ou diagnostique dépend directement de la séquence d’acide nucléique recombinant qu’il contient ou au produit de l’expression génétique de cette séquence »

Ces deux conditions doivent être toutes deux remplies pour que le produit entre dans la catégorie des médicaments de thérapie génique.

Selon le règlement (CE) n°1394/2007, les médicaments de thérapie génique doivent être réglementairement approuvés dans le cadre d’une procédure européenne centralisée, au même titre que l’ensemble des autres médicaments de thérapie innovante (MTI).

Cette procédure inclut une évaluation approfondie du dossier de demande d’AMM émise par le laboratoire pharmaceutique, qui est réalisée par l’EMA et implique différents comités et groupes de travail spécifiques qui fournissent des recommandations. L’ensemble des guidelines relatives à ce sujet sont disponibles sur le site web de l’EMA.

Nous abordons ci-dessous les principaux éléments de la procédure d’enregistrement d’un médicament de thérapie génique.

Comme pour les médicaments « classiques », le dossier d’AMM s’articule autour de trois principaux axes : la qualité, la sécurité et l’efficacité du médicament, afin de pouvoir déterminer son rapport bénéfice/risque. Le dossier eCTD est composé de cinq modules auxquels certaines adaptations techniques y sont ajoutées.

Notamment, si le produit est un médicament de thérapie génique comportant un organisme génétiquement modifié (OGM), le module 1 doit également comporter une évaluation portant sur les risques éventuels que peut présenter le médicament pour l’environnement, à la fois concernant son utilisation et son élimination. L’information concernant le risque lié à la dissémination de l’OGM doit être annexée à ce module et doit être présentée conformément aux dispositions de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement.

Les trois principaux comités de l’EMA intervenant dans l’évaluation des médicaments de thérapie génique sont le Comité des thérapies innovantes (CAT), le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) et le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC).

Le CAT est un comité multidisciplinaire au sein de l’EMA. Sa principale responsabilité est d’évaluer la qualité, l’innocuité et l’efficacité des MTI. Le CAT émet également les projets d’avis lorsqu’une demande de statut de MTI est soumise à l’EMA. Il s’agit de la procédure de l’ « ATMP classification » (pour Advanced-Therapy Medicinal Product classification). C’est ensuite le CHMP qui adoptera un avis positif ou non, sur l’octroi de l’AMM du médicament concerné.

Lors de l’évaluation de la demande d’AMM, le CHMP choisit parmi ses membres un Etat « rapporteur » et un Etat « co-rapporteur », en charge de coordonner l’évaluation du dossier et d’établir des rapports d’évaluation aux autres Etats membres (EM) de la procédure. Les EM commentent ces rapports dans des délais fixés par le calendrier de la procédure, qui comprend une durée totale de 210 jours.

En fin de procédure, le CHMP émet un avis, qui peut être positif ou négatif. L’avis du CHMP est ensuite transmis à la Commission européenne (CE). Sur la base de cet avis, la décision finale est prise par la CE, qui dispose d’un délai de 67 jours pour prendre la décision administrative d’octroyer ou non l’AMM.

Lors de la phase de pré-soumission du dossier d’AMM, le Comité pour les médicaments orphelins (COMP) peut lui aussi être sollicité si le demandeur souhaite obtenir la désignation orpheline pour son produit. En effet, la plupart des médicaments ayant le statut de MTI revendiquent également le statut de médicament orphelin (Orphan drug). L’obtention de ce statut, qui est associé à de nombreux avantages, nécessite néanmoins de remplir certaines conditions. Ces conditions sont définies dans le Règlement (CE) No. 141/2000 concernant les médicaments orphelins.

Cet engouement croissant pour l’obtention de ce statut de médicament orphelin s’explique par les avantages notables dont les industriels peuvent bénéficier, en particulier :

  • La réalisation d’essais cliniques à plus petite échelle (car faible population), moins coûteux ;
  • Le processus d’AMM accéléré ;
  • L’exclusivité de commercialisation de 10 ans à partir de la commercialisation.

Le Comité pédiatrique (PDCO) intervient également de façon précoce dans la procédure centralisée afin de s’assurer que le laboratoire pharmaceutique répond aux exigences qui lui sont demandées en termes de développement pédiatrique.

En parallèle, l’ensemble de ces comités sont également aidés, au sein de l’EMA, par des instances consultatives, à la fois techniques et scientifiques, réparties par domaine d’activité. Le Groupe de travail de l’EMA dédié à la thérapie génique est le GTWP (Gene Therapy Working Party), qui permet de soutenir le CAT et le CHMP sur l’évaluation scientifique de cette catégorie de médicaments.


En cas de questions émises par les laboratoires demandeurs, l’EMA et l’ANSM sont à même de fournir des avis scientifiques. En effet un laboratoire peut faire appel aux conseils de l’EMA (Scientific Advice Working Party (SAWP)) et/ou à ceux des autorités nationales compétentes, soit au cours du développement initial du médicament, soit avant la soumission d’une demande d’AMM. En France, l’industriel peut également solliciter le guichet orientation et innovation de l’ANSM.

Par ailleurs, l’EMA a mis en place en mars 2016 un statut particulier nommé PRIME (désignant « Priority Medicines ») afin d’améliorer le développement et la mise sur le marché des produits innovants. Le processus réglementaire PRIME est conçu pour permettre une évaluation accélérée de ces thérapies jugées prioritaires, mais il vise également à accompagner les laboratoires dans leur développement , ainsi qu’à les aider à utiliser les autres systèmes d’accès précoce aux traitements.

Notons que pour répondre aux besoins médicaux non satisfaits des patients et dans l’intérêt de la santé publique, une AMM peut être accordée sur la base de données moins complètes que celles normalement requises. Dans de tels cas, l’octroi d’une AMM conditionnelle peut être recommandé sous réserve de certaines obligations spécifiques à réexaminer chaque année. Les dispositions relatives à l’octroi d’une telle autorisation sont fixées par le règlement (CE) no 507/2006 relatif à l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain.  

Remarquons que les différentes mesures réglementaires prises ces dernières années ont montré leur efficacité et favorisent le développement des médicaments de thérapie génique. Toutefois, ces mesures nécessitent encore d’être ajustées, afin d’atteindre leur objectif principal de mettre à disposition des médicaments de thérapie génique sûrs et efficaces pour les patients. C’est tout l’objet des révisions en cours de la législation pharmaceutique européenne.


Article rédigé par Blandine LATROBE, Consultante Affaires Réglementaires & Pharmaceutiques